Avec « Votre leadership », Tony Blair signe la version actuelle du Prince de Machiavel. Il s’agit d’un guide pour tous les hommes et femmes politiques qui accèdent à la fonction suprême. On peut espérer cependant que les Présidents et Premiers ministres ne soient pas les seuls à lire s livre, qui mérite d’être lu par toutes les personnes qui s’intéressent de près ou de loin à la chose publique.
Tony Blair partage son expérience de Premier ministre à la tête du Royaume-Uni pendant dix ans de 1997 à 2007, mais aussi en tant que consultant pour dirigeants internationaux après avoir créé l’Institut Tony Blair. Il présente donc une double expertise, très précieuse, pour un nouveau dirigeant, car dans son ouvrage Tony Blair s’adresse directement à un dirigeant nouvellement élu qui accéderait au pouvoir. On pourrait comparer « Votre leadership » à une lettre remplie d’instructions que confierait un ancien président à son successeur. Fort de son expérience de consultant il partage certains conseils qu’il prodigue aux dirigeants étrangers et s’appuie sur les réussites (et les échecs) de certains Etats. On comprend que parmi ces clients doivent figurer des Etats comme Singapour ou des Emirats du Golfe persique, pour lesquels Tony Blair semble éprouver une certaine admiration en raison de leur développement rapide grâce à des choix parfois audacieux. Ce qui frappe dans ce livre, c’est le pragmatisme de Tony Blair, il n’est pas là pour juger des dirigeants, ni pour faire la morale. Il partage ce qui, à son avis, par son expérience, fonctionne pour diriger un pays.
Sa première partie est dédiée aux premiers pas d’un dirigeant. Ça y est, il a remporté les élections, il faut maintenant qu’il dirige et cette expérience à la tête d’un pays peut lui manquer, ainsi Tony Blair lui-même n’avait aucune expérience gouvernementale avant d’accéder à la fonction de Premier ministre en 1997. La première chose que Tony Blair conseille à un nouveau dirigeant est d’avoir un plan pour fixer un cap, puis une équipe qui sera au service de ce plan. Tony Blair évoque alors sa direction de l’action publique qu’il avait mise en place durant son premier mandat pour le soutenir dans ses réformes et accélérer leur application. Pour l’auteur, le dirigeant peut se faire piéger par le manque de temps. Gouverner ne doit pas se limiter à assurer les affaires courantes, il faut du temps au leader pour planifier les choses, réfléchir au long terme. Ce qui veut dire, qu’un dirigeant doit prioriser ses actions : il ne pourra pas faire tout ce qui était dans son programme, il doit se concentrer sur les réformes qui vont créer un changement et ainsi privilégier le long terme sur la politique politicienne. Il doit développer une stratégie et s’y tenir. Mais Tony Blair note tout de même que des mesures simples et symboliques qui créent des résultats, en début de mandat, peuvent justement accompagner cette stratégie. Le changement se fait sur le temps long, l’ancien dirigeant britannique semble regretter qu’en démocratie les mandats soient trop courts pour appliquer les réformes structurelles nécessaires. Il est donc nécessaire de créer de petites victoires en début de mandat, qui permettront au dirigeant de se faire réélire et ainsi porter des politiques plus ambitieuses.
Tony Blair poursuit son livre en partageant ses leçons de politique, et souligne alors qu’assurer la sécurité de ses citoyens doit être la priorité d’un dirigeant : « Ainsi, si la sécurité nationale n’est pas acquise lorsque vous accédez au pouvoir, vous devez traiter le problème d’urgence, avant tout autre chose ». Tony Blair peut être qualifié de pragmatique et de réaliste, il regrette que dans les pays européens, les dirigeants, notamment ceux de gauche ne s’intéressent pas assez aux questions de sécurité et de criminalité qui affectent en premier lieu les personnes les plus précaires. Pour lui, « la tolérance zéro est totalement justifiée » et assurer la tranquillité publique doit être une priorité pour tous les gouvernements, notamment en démocratie.
En économie, les Etats doivent s’inspirer les uns des autres. Si une mesure n’a jamais marché ailleurs, il y a beaucoup de probabilités qu’elle ne fonctionne pas non plus dans votre pays, c’est ce qu’avance Tony Blair. Et pour que l’économie fonctionne, l’ancien Premier ministre britannique souligne l’importance d’’avoir de bonnes infrastructures afin de soutenir les échanges.
L’essor des nouvelles technologies, -et principalement de l’intelligence artificielle-, constitue une partie majeure de « Votre leadership ». Pour Tony Blair avec l’IA, on est en train d’assister à une « révolution » de notre système économique et politique qui pourrait rabattre les cartes de l’ensemble des nations. C’est un appel à la fois aux nations en développement à se saisir des opportunités qu’elle offre, mais aussi aux nations plus développées, notamment les Etats européens de ne pas rester sur le bas-côté, car pour Tony Blair, l’usage de l’IA définira les puissances du 21e siècle, et les Etats doivent évoluer dans leurs pratiques, leurs structures pour prendre en compte la révolution portée par l’intelligence artificielle
Les relations internationales sont aussi abordées dans cet ouvrage, si Tony Blair aborde, sans grande surprise le relations avec les deux grandes puissances que sont les Etats-Unis et la Chine ainsi que le renforcement de l’Inde, il insiste sur les rapports humains entre les dirigeants internationaux et l’importance de créer de la confiance. Celle-ci peut se construire entre dirigeants de bords politiques différents sur la base d’un respect mutuel
Une autre partie est consacrée à la communication, et notamment à la communication à l’heure des réseaux sociaux qui bouleversent la scène médiatique. Dans cette partie, Tony Blair donne un avis très intéressant sur la survenue de scandales dans un gouvernement. Pour lui, les scandales ne peuvent pas être empêchés, mais un bon dirigeant ne doit pas leur donner trop d’importance, et surtout ils ne doivent pas le faire dévier de son programme. Un mandat est court, pas la peine de se focaliser sur les scandales dont raffolent les médias.
Sa dernière partie est dédiée au leader et son comportement. Il avoue que les leaders sont tous ambitieux, c’est un fait, on ne dirige pas un pays sans être ambitieux. Mais cette ambition ne doit pas aveugler le dirigeant qui doit aussi se ternir à l’écart de la flatterie et s’entourer de gens intelligents (qui sont eux-mêmes ambitieux !). Pour son équilibre, un leader doit aussi conserver un jardin secret et consacrer du temps à sa famille et ses amis.
Dans ses deux derniers chapitres, il aborde un point important celui de l’héritage, un dirigeant doit défendre ce qu’il a fait car trop souvent son successeur s’en appropriera ses retombées positives ou dénoncera ses erreurs. Un dirigeant doit aussi savoir partir ne pas s’accrocher au pouvoir. Sûrement il n’arrivera pas à faire tout ce qu’il avait prévu, mais il doit accepter cette situation, pour qu’un nouveau dirigeant avec de nouvelles idées puisse le remplacer et effectuer les changements dont le pays a besoin. Il s’agit encore de faire passer les intérêts du pays devant ceux d’une personne.
Pourquoi ce livre ? Pour Tony Blair, le temps à la tête d’un pays, en démocratie, est toujours limité, tellement réduit, que généralement le dirigeant ne peut pas faire tout ce qu’il veut, ou tout ce qu’il avait promis. Tony Blair distingue bien le temps du candidat, de celui du dirigeant. Après avoir remporté des élections, le dirigeant n’a en fait que peu de temps pour mettre en place son programme et peut être confronté à des freins qu’il s’agisse de son administration, ou encore d’évènements imprévus tels que des scandales politiques qu’il doit tout de même traiter et qui l’éloigne de son objectif. Tony Blair, par ce livre, partage son expérience, pour que le nouveau dirigeant soit efficace dans ses décisions. Il souligne notamment que la recherche de popularité ne doit pas être l’Alpha et l’Omega d’un mandat, mais que le dirigeant doit être plutôt incarner un courage politique pour faire avancer son pays. Il est important de noter que dès son introduction, Tony Blair confirme bien que son livre n’est pas sur ses qualités ou son manque de qualité de leader, mais de « ce qu’il a appris » lorsqu’il était Premier ministre, mais aussi en tant que consultant pour des dirigeants étrangers.
Mais tous ces conseils ne serviront rien si le dirigeant n’apporte pas un vraiment changement, qui se traduise par des résultats. Car c’est sur ses résultats qu’il sera jugé.
Tony Blair signe un livre qui devrait être lu par tous les nouveaux dirigeants, comme beaucoup de personnes qui ont vécu l’intervention anglo-américaine en Irak, je peux dire que j’avais certains a priori envers Tony Blair, mais avec « Votre leadership », Tony Blair montre une certaine compréhension du monde, son regard est juste, et si ses conseils étaient appliqués, de nombreux Etats connaitraient alors le développement.
J’invite tous les prétendants aux hautes fonctions en France et en Europe à se saisir du contenu de « Votre leadership ». Tony Blair prouve avec son livre qu’il peut encore apporter beaucoup à la vie politique.

Tony Blair est un homme politique britannique, ancien Premier ministre du Royaume-Uni de 1997 à 2007. Il est connu pour avoir modernisé le Parti travailliste et a joué un rôle clé sur la scène internationale, notamment pendant la guerre en Irak. Il conseille aujourd’hui les dirigeants internationaux.